Les médecins s'opposent au projet de consultations vidéo dans les gares françaises
L'Ordre des médecins français se dit « profondément préoccupé » par le projet d'ouverture de 300 centres de téléconsultation médicale dans les gares françaises.
L'opérateur ferroviaire SNCF a annoncé vendredi vouloir créer des “espaces de télémédecine” d'ici 2028 afin de contribuer à lutter contre les déserts médicaux, des régions où la population n'a pas suffisamment accès aux soins de santé.
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Cependant, l'organisme de réglementation des médecins n'approuve pas, estimant que cela « détournerait les professionnels de santé, qui seraient ainsi moins disponibles pour exercer dans les zones les plus vulnérables ».
Il suggère plutôt que « les services ferroviaires vers les zones les plus isolées soient améliorés » pour attirer les professionnels de la santé vers ces endroits.
#Communiquédepresse Alors que la SNCF prévoit l'installation de boîtiers de télé-consultations dans 300 gares, l'Ordre s'inquiète des conséquences du développement d'une telle activité consacrant les inégalités d'accès aux soins et favorisant la dérégulation du système de santé. pic.twitter.com/86nLbTMiCz
— Ordre des Médecins (@ordre_medecins) 20 novembre 2023
Patients examinés à distance
La proposition de la SNCF est qu'un infirmier soit toujours présent sur place mais que chaque patient soit examiné à distance par liaison vidéo avec un médecin basé en France, précise-t-on. Par exemple, l'infirmière place le stéthoscope sur votre cœur et un médecin pourra vous écouter à distance pour poser un diagnostic de santé.
Des bâtiments modulaires de 15 mètres carrés doivent être installés dans un premier temps par Loxamed, une entreprise qui conçoit des modules spécialement adaptés aux soins mobiles, qui ont notamment été utilisés pendant la pandémie pour réaliser des dépistages.
Loxamed prévoit de travailler avec les équipes régionales de santé pour recruter des infirmiers et des médecins libéraux pour assurer les téléconsultations.
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Le syndicat des médecins français (UFML) a également vivement dénoncé l'initiative de la SNCF et de Loxamed, estimant qu'il s'agit d'un nouvel exemple du développement d'une “médecine lucrative à bas prix” par les organisations commerciales.
“Il ne peut y avoir de bon médicament qui vienne d'une simple pression sur un bouton, à distance, d'un médecin qui ne connaît pas le patient”, a déclaré le syndicat.
Désertification médicale
Ces préoccupations surviennent alors que la branche santé de l'association de consommateurs UFC-Que Choisir attaque le gouvernement français pour son inaction face aux déserts médicaux. L'association a publié une étude sur la « détérioration dramatique » de la démographie médicale.
UFC-Que Choisir a mis à jour sa carte interactive des inégalités en « accès direct » aux médecins (médecins généralistes, gynécologues, ophtalmologistes et pédiatres) élaborée en 2022 à partir de données publiques.
“Sans surprise, la désertification médicale s'accentue en raison de l'augmentation des besoins” et d'une “vague de départs à la retraite”, précise-t-on.
L'UFC a en effet constaté que près de deux Français sur dix vivent désormais dans un désert médical.
L'étude combine deux critères : l'éloignement géographique des médecins – les “déserts” se caractérisant par une densité 60% inférieure à la moyenne pour les spécialistes situés à moins de 45 minutes, ou 30 minutes pour les médecins généralistes – et les tarifs pratiqués.
Résultats d’une étude « catastrophique »
Une fois exclus les praticiens qui pratiquent au-dessus du tarif réglementé, “la situation est absolument catastrophique”, estime l'UFC, avec plus d'un enfant sur deux vivant dans un lieu sans pédiatre, 59,3% des Français dans un désert médical pour ophtalmologistes et 69,6% des femmes pour les gynécologues.
Les généralistes sont plus disponibles, avec 2,6% des patients classés comme résidents dans les déserts médicaux – mais l'UFC précise que “23,7% des personnes ont néanmoins du mal à accéder à ce maillon essentiel du parcours de soins à moins de 30 minutes de route”.
Entre 2021 et 2023, 44,4 % de la population « ont vu l'accessibilité aux médecins généralistes se dégrader ».
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Appels à l’État pour le changement
L'UFC-Que choisir a maintenant déposé un recours auprès de la Conseil d'État (La plus haute juridiction administrative de France) pour dénoncer « l'inaction » du gouvernement face aux inégalités croissantes dans l'accès aux soins.
L'association de consommateurs a critiqué le “refus obstiné des autorités de réglementer l'installation des médecins”.
« Après des années de négociations avec les décideurs politiques restées sans réponse, l'UFC-Que choisir saisit désormais le Conseil d'État faire constater et sanctionner l'inaction coupable du gouvernement” et “défendre le droit constitutionnel à la santé”, écrit l'association dans un communiqué.
Il exhorte également l'État à agir et invite les Français à signer et à « partager massivement » son pétition.
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