De la Côte d'Ivoire à l'Ukraine en passant par la France et retour, le parcours d'un étudiant
Ben Ahmar Koné a quitté la Côte d'Ivoire pour étudier la médecine en Ukraine – jusqu'à ce que la guerre l'oblige à fuir vers la France. Désormais fraîchement diplômé en médecine, il explique à RFI pourquoi il a décidé de retourner dans son pays d'origine.
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“J'ai mes livres d'anatomie, mes notes de pharmacologie, mon stéthoscope, mes blouses…”
Ben Ahmar Koné est tout emballé. Le jeune homme de 25 ans est habitué au déménagement, mais son prochain voyage est celui qu'il ne s'attendait pas à faire.
Fraîchement diplômé de médecine, il s'apprête à rentrer en Côte d'Ivoire. Il n'y a plus vécu depuis son adolescence, parti faire ses études de médecine en Ukraine.
Il était en cinquième année d’études lorsque la Russie l’a envahi en février 2022.
Avec quelques autres étudiants africains, Koné a loué un taxi pour les emmener de la ville de Lviv vers la frontière avec la Pologne. Le chauffeur les a déposés à 19 kilomètres du passage à niveau, qu'ils ont finalement atteint à pied.
Comme d’autres personnes de couleur fuyant l’Ukraine, Koné affirme avoir eu du mal à passer les gardes-frontières. Son groupe a fini par attendre trois jours pour entrer en Pologne, sans abri ni ravitaillement.
Bloqué en France
Depuis la Pologne, Koné et un autre ami francophone, étudiant en pharmacie de la République démocratique du Congo, se sont dirigés vers le pays qui semblait logique : la France.
“En Ukraine, on est vraiment seul”, raconte François Bambi, qui a fait le voyage avec Koné. “Le français n'est pas la langue, ta famille n'est pas là, donc tu dépends des gens que tu y rencontres. Nous nous y sommes rencontrés et nous avons tissé un lien très fort”, a-t-il expliqué à Sylvie Koffi de RFI.
Mais une fois en France, aucun d'eux n'a pu reprendre ses études comme ils l'espéraient. L'Ukraine ne faisant pas partie de l'Union européenne, les universités françaises ne reconnaissaient pas les cours que Koné et Bambi y avaient suivis.
“Nous n'étions pas vraiment les bienvenus en France. Nous n'avions pas vraiment les mêmes avantages que les Ukrainiens, même si nous sommes tous humains et que nous avons tous fui la guerre”, explique Koné.
Vivant alors au Mans, en France, il a été obligé de se tourner vers la biologie et de repartir de zéro.
“On nous a dit qu'il y avait une pénurie de médecins en France”, raconte-t-il. “La première chose qu'ils pourraient faire serait de nous faire passer des tests, d'essayer de recruter des gens et de voir notre niveau, puis de nous donner une chance.
“Mais ce n'est pas vraiment ce qui s'est passé. Les choses ont été beaucoup plus difficiles.”
Des examens sous les bombardements
Plutôt que de renoncer à cinq années de travail, Koné a décidé de poursuivre ses études de médecine à Lviv en ligne.
Cependant, lorsque le moment est venu de passer les finales, il a dû le faire en personne. En juillet, Koné retourne en Ukraine pour passer ses examens.
“C'était un très gros risque, car la ville où je me trouvais, Lviv, a été bombardée”, dit-il. Au milieu d'une nuit, les dortoirs universitaires ont été évacués et les étudiants ont reçu l'ordre de se mettre à l'abri.
“Avec un peu de recul, je me rends compte que j'ai peut-être même perdu la vie. Mais j'avais un objectif à atteindre”, dit désormais Koné. “Le but d'aller en Ukraine était de rapporter mon diplôme, et j'en suis fier – et surtout de rendre mes parents fiers.”
Rentrer à la maison
Désormais médecin, Koné débutera sa carrière en Côte d'Ivoire.
Il rêvait de se spécialiser en cardiologie et d'exercer à l'étranger. Mais son diplôme de médecine ukrainien ne lui permet pas de travailler en France.
RFI l'a rencontré alors que son ami de longue date s'apprêtait à l'accompagner. “Je suis un peu ému, comme on peut s'y attendre”, a déclaré Bambi, qui restera en France pour le moment.
“Je ne l'appellerais pas mon ami, c'est mon frère, car le lien que nous entretenons va au-delà de l'amitié”, a ajouté Koné.
Ce n'est peut-être pas ce à quoi il s'attendait, mais il est heureux de pouvoir exercer dans son pays natal, a-t-il déclaré à RFI.
“J'ai quitté la Côte d'Ivoire avec un rêve et il vient de se réaliser : je suis qualifié.”