Le Sénégal se dirige vers une élection présidentielle pas comme les autres
La campagne pour l'élection présidentielle au Sénégal démarre officiellement dimanche. Avec le candidat sortant hors course et un champ de vote plus large que jamais, le scrutin de ce mois-ci promet d'être le plus compétitif jamais organisé dans le pays.
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Aucun favori ne s'est clairement imposé avant le scrutin du 25 février, avec un nombre sans précédent de 20 candidats en lice pour devenir le prochain président du Sénégal.
Les craintes de violences préélectorales ne se sont pas concrétisées. Mais les tensions sont vives suite à un processus mouvementé de validation des candidats et à la disqualification des personnalités de l’opposition Ousmane Sonko et Karim Wade.
Les analystes s'accordent à dire qu'aucun des candidats n'est assuré d'une place au deuxième tour et que la course pourrait être serrée.
Champ ouvert
Le Premier ministre Amadou Ba a été choisi par le président Macky Sall comme son successeur après que Sall ait annoncé en juillet qu'il ne briguerait pas un troisième mandat.
Il s'agit de la première élection au Sénégal sans candidat sortant.
Il s'agit de “l'élection la plus ouverte” depuis que le Sénégal a obtenu son indépendance de la France en 1960, selon le rédacteur en chef adjoint de Le Soleil quotidien Sidy Diop, a déclaré à l'agence de presse française AFP.
Mais le camp présidentiel est confiant. S'adressant à RFI et France 24, Ba a déclaré : “Je pense que je serai élu dès le premier tour le 25 février”.
Ba a salué les réalisations de Sall au pouvoir mais admet qu'il doit être “meilleur” et “plus rapide”.
Les grands projets d'infrastructure entrepris par le gouvernement de Sall ont divisé l'électorat. Et les dernières années de sa présidence ont été difficiles, marquées par le Covid, la guerre en Ukraine et le départ de dizaines de milliers de Sénégalais vers l’Europe.
Une opposition divisée
De l'autre côté, le parti Pastef de Sonko a touché une corde sensible auprès de la jeunesse sénégalaise avec sa rhétorique panafricaniste et sa position de défi à l'égard de l'ancienne puissance coloniale française.
Mais après une série de batailles judiciaires, son leader populaire a perdu le droit de concourir et a présenté à sa place le candidat suppléant Bassirou Diomaye Faye.
Tous deux sont toujours en prison et Faye devra peut-être faire campagne derrière les barreaux.
Le vice-président de Pastef, Birame Souleye Diop, a déclaré à RFI que Faye était pleinement en phase avec les attentes de ses électeurs.
Diop a affirmé que les sondages pré-électoraux donnaient au parti environ 71 pour cent des voix.
Le SoleilDiop a cité Faye parmi les favoris, aux côtés de Ba, de l'ancien maire de Dakar Khalifa Sall et de quelques autres. Mais il a ajouté que les turbulences liées au camp pro-Sonko pourraient rebuter certains électeurs.
“Les élections sont gagnées par les classes populaires… ces classes ont besoin de stabilité”, a-t-il déclaré à l'AFP.
De son côté, Khalifa Sall a déclaré à RFI qu'aucun candidat ne semblait susceptible d'obtenir la majorité le 25 février et a prédit que le vote se déroulerait au second tour.
Inquiétudes pour la liberté de la presse
Souvent présenté comme un bastion de stabilité en Afrique de l'Ouest, le scrutin sénégalais sera surveillé et surveillé par la communauté internationale.
Gilles Yabi, directeur exécutif du groupe de réflexion ouest-africain Wathi, anticipe d'éventuels “points de tension” à l'annonce des résultats.
Depuis 2021, le Sénégal est le théâtre de troubles meurtriers provoqués par une répression sévère contre l’opposition. Les violences ont fait des dizaines de morts et des centaines d'arrestations.
Le mois dernier, Human Rights Watch a dénoncé la répression au Sénégal contre les dirigeants de l'opposition, les médias et la société civile, affirmant que « les autorités ont rempli les prisons ces trois dernières années avec des centaines d'opposants politiques ».
Sadibou Marong, responsable du bureau Afrique subsaharienne de Reporters sans frontières, a déclaré à RFI que l'organisme de surveillance des médias avait recensé 18 incidents contre la presse entre mi-2022 et mi-2023.
“La plupart d'entre eux étaient liés aux élections”, a-t-il ajouté, affirmant qu'en dépit de la liberté de la presse historique au Sénégal, Sall a poussé à la persécution des journalistes.
“Nous sommes très, très inquiets”, a déclaré Marong.
Le gouvernement sénégalais insiste quant à lui sur le fait que “toutes les libertés s'exercent sans entrave”.
(avec AFP)