Le Parlement sénégalais vote la nouvelle date de l'élection présidentielle au milieu des manifestations
Les députés du Parlement sénégalais se réunissent ce lundi pour voter le report de l'élection présidentielle annoncé par le président Macky Sall. Cette décision inattendue a plongé le pays dans la crise et conduit à de violentes protestations.
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Les manifestations se poursuivaient lundi alors que les députés se réunissaient dans la capitale Dakar.
Le scrutin présidentiel était initialement prévu le 25 février, mais le président Macky Sall a retardé le vote.
Il a affirmé que cela était dû à un différend entre l'Assemblée nationale et la Cour constitutionnelle sur le rejet de candidats, notamment celui de Karim Wade, fils de l'ancien président Abdoulaye Wade.
Les députés discutent du report des élections ce lundi, pour une durée pouvant aller jusqu'à six mois. Le texte aura besoin du soutien des trois cinquièmes des 165 députés pour être adopté.
Les dirigeants de l'opposition ont utilisé le terme de « coup d'État constitutionnel » pour décrire la situation actuelle, qu'ils considèrent comme une attaque contre la démocratie.
“Je vais entamer un dialogue national ouvert pour réunir les conditions d'élections libres, transparentes et inclusives”, a ajouté M. Sall, sans donner de date.
Papa Fara Diallo, maître de conférences en sciences politiques à l'université Gaston-Berger de Saint-Louis, a déclaré à RFI que l'opposition s'organise pour affronter le pouvoir présidentiel et “sauver l'élection”.
Protestations et plaintes
Les manifestants sont descendus dimanche dans les rues de la capitale sénégalaise, Dakar.
Des centaines d'hommes et de femmes ont répondu à l'appel de certains leaders de l'opposition, brandissant des drapeaux sénégalais ou arborant le maillot de l'équipe nationale de football, convergeant en début d'après-midi à un rond-point d'un des principaux axes routiers de la capitale.
De hautes personnalités de l'opposition ont été arrêtées, parmi lesquelles l'ancienne première ministre Aminata Traoré et le candidat Anta Babacar Ngom.
Certains manifestants se sont affrontés avec la police, qui est venue à pied ou en camionnette et a répondu avec des gaz lacrymogènes.
Ils ont poursuivi les manifestants en fuite dans les rues avoisinantes, tandis que certains manifestants répondaient en lançant des pierres, des jeunes criant « Macky Sall, dictateur ! ou brûler des pneus dans les rues.
La plupart des Sénégalais ont également dénoncé la décision du gouvernement de suspendre les émissions d'une chaîne de télévision privée pour “incitation à la violence” en raison de sa couverture des manifestations.
C'est un autre signe de la tension politique croissante dans le pays, selon les experts.
Certains manifestants descendus dans la rue dimanche ont déclaré craindre le pire.
“Macky Sall veut faire de nous des esclaves”, a déclaré à l'AFP Ousmane Biteye, commerçant de 44 ans. “Il ose invoquer des raisons aussi fallacieuses pour reporter les élections, et ce, quelques heures avant le début de la campagne.”
Une préoccupation régionale et internationale
Cette situation suscite une inquiétude croissante à l’échelle internationale, en Afrique mais aussi dans le monde occidental, qui vante régulièrement le Sénégal comme un rayon de démocratie en Afrique de l’Ouest.
Le président de la commission de l'Union africaine, Moussa Faki Mahamat, a exhorté le Sénégal à résoudre son « différend politique par la consultation, la compréhension et le dialogue ». Il a également appelé les autorités à “organiser les élections le plus rapidement possible, dans la transparence, dans la paix et la concorde nationale”.
Les États-Unis, l’Union européenne et la France, ancienne puissance coloniale, ont tous appelé à un report du vote le plus rapidement possible.
C'est la première fois depuis 1963 qu'une élection présidentielle est reportée au Sénégal, l'un des rares pays africains à n'avoir jamais connu de coup d'État.