Maroc-Algérie : Déconstruire la haine
Malgré cette culture produite par le régime militaire, la possibilité d'un retour aux relations normales, qui lient les deux peuples, reste ouverte et repose sur les élites des deux pays, estime le professeur de sciences politiques à l'université d'Orléans, Omar Abbadi dans une tribune publiée par le magazine panafricain Jeune Afrique. Selon lui, les élites intellectuelles du Maroc et de l'Algérie ont un rôle majeur à jouer dans cette crise complexe. «Ils doivent sensibiliser leurs compatriotes à cette question et, grâce à leur influence médiatique, publier des articles d'opinion ou des articles scientifiques, participer à des tables rondes thématiques et apparaître à la télévision et à la radio. Ils peuvent également utiliser les médias sociaux pour partager des réflexions perspicaces et éclairées, et ainsi contribuer à déconstruire les préjugés et les stéréotypes qui exacerbent les tensions, afin de promouvoir un dialogue constructif et une compréhension mutuelle. A travers des débats et des conférences, ces élites peuvent mettre en évidence les similitudes socioculturelles entre les deux peuples et souligner l'importance cruciale de la coopération et du respect mutuel. »
Lire : L'Algérie évite un énième forum au Maroc
Qu’en est-il de l’implication des historiens marocains et algériens ? « De même, afin d'atténuer tout sentiment de haine, il appartient aux historiens marocains et algériens de raviver la mémoire des événements au cours desquels les deux pays ont fait preuve de solidarité. Les historiens algériens peuvent par exemple souligner l'intervention militaire du Maroc, en solidarité avec ses « frères algériens », lors de la bataille d'Isly (1844), qui aboutit au traité de Lalla Maghnia. Ils se souviennent aussi du discours du roi Mohammed V aux Nations Unies exigeant, avec ferveur et abnégation, l'indépendance de l'Algérie – un discours qui résonne encore aujourd'hui », analyse Amr Abbadi. Selon lui, il appartient aux historiens marocains de « mentionner les gestes de soutien et de respect que l'Algérie a eu envers le Maroc, comme lorsque Hassan II annonça, le 21 août 1972, que Houari Boumédiène avait été le premier chef de l'Etat à avoir félicité le Maroc ». lui pour avoir réprimé le coup d'État (du général Oufkir), ou encore le comportement émouvant d'Abdelaziz Bouteflika pleurant la mort de Hassan II à Rabat, en 1999.
Lire : L'Algérie accuse le Maroc d'être à l'origine de la crise avec le Mali
L'universitaire est convaincu qu'« en évoquant ces moments emblématiques, les historiens des deux pays peuvent contribuer à dissiper les brouillards d'ignorance et de préjugés qui alimentent les conflits contemporains, et à renforcer les liens fraternels entre les deux nations. » Il s'intéresse également au rôle des universités. « Les universités jouent également un rôle crucial en facilitant les échanges entre les jeunes marocains et algériens, malgré la fermeture des frontières. En mettant en œuvre des programmes d'échange virtuels (cours collaboratifs en ligne, webinaires, projets de recherche communs), ces établissements offrent une plateforme permettant aux étudiants et chercheurs des deux pays de collaborer à distance. Cette collaboration favorise la compréhension mutuelle et encourage le dialogue interculturel, qui jette les bases d'une coopération future et d'une réconciliation durable », assure Abbadi, ajoutant que les instituts de recherche et les groupes de réflexion « ont le potentiel de déclencher un changement significatif en sensibilisant les jeunes générations aux enjeux régionaux. . »
Lire : L'Algérie maintient son hostilité envers le Maroc
Et de conclure : « L’implication des élites intellectuelles est donc essentielle pour transformer la perception que les uns ont des autres, et pour instaurer un climat de confiance et de coopération entre le Maroc et l’Algérie. En unissant leurs forces pour abattre le mur de la méfiance, ces élites peuvent ouvrir la voie à un avenir brillant et prospère, où la fraternité triomphera de la division et où les deux peuples avanceront main dans la main. »