
le Mont Fébé, l’autre colline du pouvoir – Jeune Afrique
« Dans les lieux secrets du pouvoir » (2/4). Si les palais présidentiels sont les symboles de la puissance des chefs d’État, d’autres édifices jouent un rôle primordial. Aujourd’hui, l’hôtel Mont Fébé à Yaoundé, dont l’étoile a certes pâli depuis l’apparition du Hilton mais où l’élite continue de se presser.
Depuis le matin de ce 4 janvier 2019, à Yaoundé, le ballet des mocassins vernis et des escarpins à hauts talons n’a pas cessé sur les tapis écarlates de l’hôtel Mont Fébé. Les ascenseurs n’ont pris aucun repos, suivant le rythme implacable et régulier des visiteurs et des occupants des suites de l’établissement.
Du long bar de l’hôtel au petit restaurant circulaire, qui surplombe l’iconique piscine et les courts de tennis, une rare effervescence rend l’atmosphère particulièrement électrique. Célestine Ketcha Courtès, la dynamique maire de Bangangté, figure parmi les convives. Le turbulent avocat Jean de Dieu Momo également. Les deux édiles, la première de l’Extrême-Nord et le second de l’Ouest, ont pris leurs quartiers depuis peu dans cet hôtel quatre étoiles.
Origine géographique, histoire familiale… Paul Biya passe au crible les dossiers des prétendants
Cela ne doit rien au hasard : au palais présidentiel d’Etoudi, sur l’une des autres collines de Yaoundé, Paul Biya met la dernière main à la composition de son gouvernement. Au pouvoir depuis trente-six ans, il a ses habitudes. Avant chaque remaniement, il analyse les dossiers des prétendants avec ses plus proches conseillers, ses fidèles de la première heure, ses confidents. Curriculum vitae, origine géographique, histoire familiale, fiche de renseignement… Paul Biya déteste laisser la moindre once de hasard.
Alors, après avoir sélectionné les meilleurs candidats, il impose une dernière épreuve à certains d’entre eux : celle du Mont Fébé. Les aspirants ne disposant pas d’un logement à Yaoundé sont priés de loger dans une suite de l’hôtel qui leur a été réservée par les services de la présidence et d’y attendre l’entretien final, à l’écart du bouillonnant centre-ville de Yaoundé, où les secrets s’évaporent si vite. Dans l’édifice au look typique des années 1960, au cœur d’un écrin de verdure que le bâtiment, pourtant de couleur claire et haut de onze étages, ne parvient pas à défigurer, une angoissante attente débute pour les ambitieux.