le tabou des jeûnes rompus
Pendant leurs règles, la plupart des femmes musulmanes choisissent de rompre le jeûne et de se rattraper plus tard. Mais l’angoisse réside dans le fait même de « s’afficher » en train de manger, de subir des regards interrogateurs et d’être obligé de se justifier.
En France, ce tabou menstruel a des répercussions sur le vécu des femmes pendant le Ramadan. Latifa, employée de publicité, confie : « C'est un secret ; nous ne montrons pas notre état, nous ne prenons pas de petit-déjeuner ouvertement. Il y a de la pudeur envers les femmes et les hommes. Nous simulons le jeûne et participons au repas du soir comme si de rien n'était. » La peur d'être vu en train de manger incite certaines personnes à mettre leur santé en danger.
Salma, travaillant dans un milieu majoritairement féminin, partage la même expérience : « J'évite de manger ou de boire devant mon patron, même s'il est ouvert d'esprit. J'ai peur de ses questions et de l'embarras de devoir s'expliquer. Cela fait plusieurs années que j'essaie de changer mes habitudes et de briser mes inhibitions. »
Nüum, ancien professeur de français devenu spécialiste du marketing, abonde dans le même sens : « Manger devant son père, c'est comme crier son mal-être et avoir « honte ». » Myriam, quant à elle, vit la situation différemment : « Ma famille est plutôt stricte sur les principes religieux et culturels, mais je n'ai jamais été rejetée. J'ai toujours arrêté de jeûner pendant mes règles et je l'ai recommencé après. On m’a dit de ne pas jeûner, non pas par impureté, mais parce que c’était épuisant. » Elle rappelle que le Ramadan est déconseillé aux femmes enceintes, aux enfants, aux personnes âgées et aux voyageurs. « Allons-nous les considérer comme « impurs » ? ” elle demande. Pour Myriam, le jeûne est un cheminement personnel et une femme en période de règles ne doit pas subir de préjudice.
Le tabou de la rupture du jeûne pendant les règles est une réalité complexe, teintée de peur du jugement et de la culpabilité. Il est crucial d’ouvrir le dialogue et d’aborder ce sujet avec tact et compréhension afin que les femmes puissent vivre sereinement ce pilier de l’Islam, sans honte ni préjugés.