La compétition qui dure depuis des millions d’années préserve la diversité génétique de trois crustacés
Les hôtes et leurs parasites sont en compétition permanente. Grâce à la diversité génétique, l’hôte peut se modifier de telle manière qu’une infection ne soit plus possible. Mais le parasite s’adapte rapidement et le jeu recommence. En biologie évolutionniste, on parle également de « modèle de la Reine rouge », d’après le personnage d’Alice au pays des merveilles qui court sans jamais parvenir à ses fins.
Ces processus peuvent se dérouler sans interruption sur plusieurs millions d’années, comme l’a rapporté un groupe de recherche du Département des sciences de l’environnement de l’Université de Bâle dans la revue Nature CommunicationsIl s’agit d’une période beaucoup plus longue que ce que l’on pensait jusqu’à présent. Pour l’étude, l’équipe dirigée par le professeur Dieter Ebert a comparé le matériel génétique de puces d’eau de la taille d’un millimètre infectées par une bactérie parasite.
Le parasite pénètre dans l’intestin de la puce d’eau, où il se fixe sur la couche de mucus. La puce d’eau peut se défendre contre l’infection en modifiant les molécules fixées à la surface de ce mucus. Le parasite adapte alors sa propre surface à la structure modifiée du mucus et reprend brièvement le contrôle. Ce processus de coévolution garantit que plusieurs variantes génétiques des molécules de surface sont toujours conservées chez la puce d’eau, sans qu’aucune ne l’emporte jamais.
Regarder encore plus profondément dans le passé
Jusqu’à présent, les chercheurs ont pu retracer cette coévolution entre la puce d’eau et le parasite jusqu’à avant la dernière période glaciaire, il y a environ 100 000 ans.
« Nous avons fait un nouveau pas de géant et avons pu montrer que ce processus remonte à au moins 15 millions, peut-être même 70 millions d’années », explique le professeur Ebert. Ce qui est particulièrement étonnant, c’est que ce processus s’est déroulé sans interruption, alors que les conditions de vie sur Terre ont changé radicalement à plusieurs reprises au cours de cette période.
« Nous ne parlons pas d’une différence de température d’un ou deux degrés, mais de fluctuations de plus de 10 degrés, y compris de multiples périodes glaciaires. » Le processus pourrait même avoir survécu à l’impact de la météorite, à laquelle on impute l’extinction des dinosaures.
L’équipe de recherche a utilisé trois espèces différentes de puces d’eau provenant de populations naturelles d’Amérique du Nord, d’Afrique, d’Europe et d’Asie. L’analyse phylogénétique a montré que ces espèces se sont séparées il y a au moins 15 millions d’années. Néanmoins, elles étaient toutes sensibles à la même bactérie parasitaire.
Les chercheurs ont ensuite découvert plusieurs sections dans le matériel génétique de la puce d’eau qui codaient des composants du système immunitaire et présentaient un degré élevé de variabilité. Cette diversité permet à la puce d’eau de continuer à refuser l’accès au parasite.
Étonnamment, ces régions variables ont été trouvées dans les mêmes sections de matériel génétique chez toutes les espèces de puces d’eau. Cela montre que la coévolution entre les puces d’eau et le parasite a commencé avant la scission de l’espèce hôte, il y a au moins 15 millions d’années. Cela signifie également que ce processus n’a pas été interrompu, car une interruption signifierait que des variantes génétiques seraient perdues dans un laps de temps relativement court.
Variabilité plus faible, plus grande sensibilité aux infections
« Nous avons tendance à penser que l’évolution invente toujours quelque chose de nouveau. Nous avons pu montrer ici que les mêmes variantes de gènes ont été utilisées à maintes reprises sur de longues périodes », explique Ebert. Chez l’homme aussi, les variations génétiques assurent la flexibilité du système immunitaire, par exemple dans le « complexe d’histocompatibilité », qui reconnaît et combat les structures étrangères. Mais personne n’avait réussi à remonter très loin dans le temps à ces processus.
Et contrairement à la puce d’eau, il semble qu’elle soit composée de plusieurs agents pathogènes. « La diversité génétique offre une protection contre les maladies infectieuses, y compris les nouvelles maladies. C’est pourquoi il est si important de comprendre comment cette variabilité se maintient sur de longues périodes de temps », explique le biologiste évolutionniste.
Plus d’information:
Luca Cornetti et al, La sélection équilibrée à long terme pour la résistance aux agents pathogènes maintient les polymorphismes trans-espèces chez un crustacé planctonique, Nature Communications (2024). DOI : 10.1038/s41467-024-49726-8
Fourni par l’Université de Bâle
Citation:La compétition sur des millions d’années préserve la diversité génétique de trois crustacés (2024, 6 août) récupéré le 6 août 2024 à partir de
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