
Maroc déchiré entre la modernité et les traditions
Vingt ans après l’entrée en vigueur de Moudawana, la réforme du code familial est à nouveau sur la table. Annoncé par le roi Mohammed VI en 2022, cette refonte est censée corriger les lacunes d’un texte jugé en décalage avec l’évolution de la société marocaine. Mais entre les engagements constitutionnels, les traités internationaux et les références religieuses, le Maroc a du mal à décider. Résultat: un projet de réforme qui est à la fois prometteur … et inachevé.
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L’article 19 de la Constitution 2011 consacre l’égalité entre les sexes et l’engagement de l’État en faveur de la parité. Il crée même une autorité pour la parité et la lutte contre la discrimination. Le préambule de la Constitution affirme également la primauté des conventions internationales ratifiées sur le droit intérieur. Cependant, ces principes sont systématiquement tempérés par la nécessité de respecter les «constantes du royaume», y compris la religion musulmane.
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Cette double référence crée des tensions majeures dans la réforme du droit de la famille. Ainsi, certaines recommandations présentées par les institutions démocratiques (Parlement, Conseil national des droits de l’homme, société civile) sont rejetées ou édulcorées lorsqu’ils contredisent l’interprétation traditionnelle des textes religieux. C’est le cas de l’introduction du test ADN comme preuve de filiation, de l’égalité des héritage entre les hommes et les femmes, ou l’interdiction absolue du mariage des mineurs.
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Par exemple, la parité dans l’héritage est expressément rejetée par le Conseil des Ulemas, qui invoque les versets du Coran et le principe de Qiwâma (responsabilité financière de l’homme). Ce rejet se produit même si le Maroc a levé ses réserves à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW).
Dans d’autres cas, la réforme tente des compromis ambigus. C’est le cas de l’âge du mariage, fixé à 18 ans, mais à une exception maintenue à 17 ans par décision du juge, qui risque de perpétuer les dérives dénoncées pendant des années.
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Nous remarquons donc les limites du modèle patriarcal dans une société en évolution publique. Le Maroc connaît une urbanisation rapide, une augmentation de la famille nucléaire, une baisse de la fertilité et une participation croissante des femmes sur le marché du travail. Cependant, la structure du droit de la famille continue d’être basée sur une hiérarchie pour hommes / femmes d’un ancien ordre.
La réforme du code familial aurait pu marquer un tournant décisif vers une égalité substantielle. Mais tel quel, il donne surtout l’image d’un texte piégé dans un équilibre politique et symbolique, qui essaie d’épargner les deux camps – moderniste et conservateur – sans aller à la fin des réformes structurelles.