Yasmina El Messaoudi découvre une douloureuse vérité, son père menait une double vie au Maroc
“Il y a une chose encore plus lourde que d’apprendre un secret choquant : c’est le sentiment que quelque chose est gardé sous silence.” C’est par cette phrase que la journaliste belge Yasmina El Messaoudi résume le séisme intime qu’elle a vécu il y a deux ans. Après la mort de son père, elle découvre qu’il mène une double vie, avec une autre femme et un fils au Maroc. Dans un livre de confession, elle retrace l’onde de choc de cette révélation et le long travail de reconstruction de son identité.
La nouvelle lui a été brutalement annoncée par sa famille à son retour des obsèques au Maroc. Un secret que sa mère flamande gardait pour elle depuis plus de trente ans, puisqu’à l’âge de huit ans, la petite Yasmina lui avait montré une photo de son père avec une femme voilée et un jeune garçon. Cette découverte tardive n’est pas seulement une blessure, c’est une réécriture de toute son histoire. “J’ai surtout pleuré la perte de mon passé”, a-t-elle confié à Gva.be.
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Au-delà de la colère, l’histoire de Yasmina El Messaoudi est une exploration des nuances de la trahison. Étonnamment, sa compassion va davantage à son père, un homme qu’elle décrit comme étant pris entre l’amour pour sa femme belge et la pression de sa propre mère au Maroc, qui espérait le retenir en l’encourageant à y fonder une autre famille. C’est envers sa mère que le sentiment de rupture est le plus profond. Garante de la vérité, c’est elle qui a choisi le silence, laissant sciemment ses enfants affronter une « énorme tempête administrative, juridique et émotionnelle » après sa mort.
Cette révélation a permis à la journaliste de comprendre les « zones d’ombre » de son enfance : les voyages au Maroc toujours reportés, le mystère qui entoure certains appels téléphoniques, les transferts d’argent inexpliqués. Elle explique comment ce tabou familial a façonné sa personnalité, la poussant à se retirer et à toujours rechercher l’approbation pour ne pas ajouter de tension dans un foyer qu’elle sentait déjà fragile.
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Aujourd’hui, l’écriture de ce livre est vécue comme un acte de libération, une manière de briser le silence pour ne pas laisser ce secret « pendre comme une malédiction ». Elle a tenté de prendre contact avec son demi-frère, sans succès pour l’instant, consciente du fossé qui les sépare. “Je suis privilégiée, j’habite en Belgique, j’avais toutes mes chances, et lui ne l’a pas eu”, analyse-t-elle.