L’IA peut-elle sélectionner des embryons issus de FIV aussi bien qu’un humain ? Un premier essai contrôlé randomisé est prometteur
Lors d’une fécondation in vitro (FIV), plusieurs embryons différents sont produits à partir d’ovules et de spermatozoïdes. Les embryologistes choisissent ensuite celui des embryons qui a le plus de chances de mener à une grossesse réussie et le transfèrent à la patiente.
Les embryologistes font ce choix en utilisant leur expertise pour appliquer un ensemble de principes largement acceptés basés sur l’apparence de l’embryon. Ces dernières années, l’utilisation de diverses techniques d’intelligence artificielle (IA) dans ce processus a suscité un vif intérêt.
Nous avons développé un tel système d’IA et l’avons testé dans une étude portant sur plus de 1 000 patients soumis à une FIV. Notre système a choisi le même embryon qu’un expert humain dans environ deux tiers des cas et a obtenu un taux de réussite global à peine inférieur. Les résultats sont publiés dans Médecine naturelle.
L’apprentissage profond peut-il aider la FIV ?
Au cours des dernières années, nous avons développé avec des collègues suédois un logiciel permettant d’identifier les embryons ayant les meilleures chances de réussite de la FIV. Notre système utilise l’apprentissage profond, une méthode d’IA permettant de trouver des modèles dans de grandes quantités de données.
Pendant que nous développions notre système, nous avons mené des études rétrospectives comparant les choix du système avec les décisions prises dans le monde réel par les embryologistes. Ces premiers résultats suggéraient que le système d’apprentissage profond pourrait faire un travail encore meilleur qu’un expert humain. L’étape suivante consistait donc à tester correctement le système au moyen d’un essai randomisé.
Notre essai a porté sur 1 066 patients dans 14 cliniques de fertilité en Australie et en Europe (Danemark, Suède et Royaume-Uni). Pour chaque patient, le système d’apprentissage profond et un expert humain ont sélectionné un embryon à implanter. Ensuite, un choix aléatoire a été effectué pour déterminer lequel des deux embryons devait être utilisé.
Cette étude est le premier essai contrôlé randomisé jamais réalisé sur un système d’apprentissage profond dans la sélection d’embryons. L’apprentissage profond peut avoir de nombreuses applications médicales, mais il s’agit jusqu’à présent de l’un des rares essais randomisés prospectifs de cette technologie dans n’importe quel domaine des soins de santé.
Ce que nous avons trouvé
L’étude a montré qu’il n’y avait pratiquement aucune différence entre les deux approches. Le taux de grossesse clinique (la probabilité d’observer un cœur fœtal après le transfert du premier embryon) était de 46,5 % lorsque le système d’apprentissage profond choisissait l’embryon et de 48,2 % lorsque l’embryologiste choisissait l’embryon.
En d’autres termes, la différence était minime. En effet, dans 65,8 % des cas, le système d’apprentissage profond a choisi le même embryon que l’embryologiste. Cependant, nous avons également constaté que le système d’intelligence artificielle effectuait la tâche de sélection des embryons dix fois plus rapidement que l’embryologiste.
L’un des objectifs de notre étude était de prouver la « non-infériorité » de notre système d’apprentissage profond. C’est une pratique courante dans la recherche médicale, car nous voulons toujours nous assurer qu’une nouvelle technique proposée ne conduise pas à des résultats pires que la norme existante.
Malgré le fait que le système d’apprentissage profond ait produit des résultats très similaires à ceux des experts humains, notre étude n’a pas tout à fait franchi l’obstacle de la preuve de la « non-infériorité ».
Il s’est avéré que les taux de réussite globaux de l’étude étaient bien plus élevés que ce que nous avions prévu. Cela a changé la donne et il aurait fallu une étude beaucoup plus vaste – avec près de 8 000 patients – pour prouver que la nouvelle méthode n’était pas inférieure.
Aucune différence significative
Plusieurs préoccupations éthiques ont déjà été soulevées au sujet de l’apprentissage profond dans la sélection des embryons. L’une de ces préoccupations concerne une éventuelle modification du rapport des sexes, c’est-à-dire le fait de se retrouver avec plus d’embryons mâles ou femelles, en raison d’une sélection biaisée par le modèle d’apprentissage profond.
Cependant, nous n’avons constaté aucune modification du rapport des sexes suite à la sélection d’embryons par apprentissage profond.
Nous avons conclu de notre étude qu’il n’y a pas de différence significative dans le taux de grossesse entre le fait d’avoir un embryon choisi par un système d’apprentissage profond ou le fait d’avoir l’embryon choisi par un embryologiste expérimenté.
Il semble donc que l’utilisation d’un outil d’apprentissage profond pour la sélection des embryons ne changera pas radicalement le résultat (car il choisit généralement le même embryon) pour une patiente soumise à une FIV. Cependant, l’utilisation d’un outil automatisé fiable de ce type pourrait rendre les laboratoires d’embryologie plus efficaces et plus cohérents.
Une autre conclusion de cette étude est que les essais randomisés, qui prennent des années à mener, ne constituent peut-être pas l’approche optimale pour étudier des technologies à évolution rapide comme celle-ci. Nos futurs travaux d’évaluation de cette technologie devront examiner des approches alternatives, mais toujours cliniquement valables, sur ce sujet.
Plus d’informations :
Peter J. Illingworth et al., Apprentissage profond versus sélection manuelle d’embryons basée sur la morphologie en FIV : un essai de non-infériorité randomisé en double aveugle, Médecine naturelle (2024). DOI : 10.1038/s41591-024-03166-5
Fourni par The Conversation
Cet article est republié par The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
Citation: L’IA peut-elle sélectionner des embryons issus de la FIV aussi bien qu’un humain ? Le premier essai contrôlé randomisé est prometteur (2024, 20 août) récupéré le 20 août 2024 sur
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