Sonko et Wade exclus de la liste des 20 candidats à la présidentielle du Sénégal
Le Conseil constitutionnel du Sénégal a publié la liste définitive des 20 candidats pour l'élection présidentielle à enjeux élevés du 25 février. Les partisans du leader de l'opposition emprisonné Ousmane Sonko et de Karim Wade, le fils de l'ancien président Abdoulaye Wade, sont mécontents que leurs candidats aient été exclus de la liste.
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La liste, publiée samedi soir, comprend 20 candidats choisis parmi 90 candidats initiaux qui ont tenté de participer à la phase de parrainage.
Premier ministre sur la liste, le Premier ministre Amadou Ba, choisi par le président Macky Sall pour lui succéder après que Sall a annoncé en juillet qu'il ne briguerait pas un troisième mandat.
Sont également cités les anciens premiers ministres et rivaux Idrissa Seck et Mahammed Boun Abdallah Dionne, l'ancien maire de Dakar Khalifa Sall, ainsi que Bassirou Diomaye Diakhar Faye, présenté comme candidat suppléant du célèbre opposant Ousmane Sonko.
La liste des candidats publiée comprend également deux femmes, la gynécologue Rose Wardini et l'entrepreneur Anta Babacar Ngom.
Terrain bondé, grands espoirs de démocratie
C'est la première fois que le Sénégal organise une élection présidentielle avec autant de candidats, selon le constitutionnaliste Babacar Gueye.
Cinq candidats se sont présentés au dernier concours en 2019.
Il s'agit de la première élection au Sénégal sans la participation du président sortant, Macky Sall, élu en 2012 pour sept ans et réélu en 2019.
Le nombre élevé de candidats est une bonne nouvelle pour la démocratie, selon Papa Fara Diallo, maître de conférences en sciences politiques à l'université Gaston Berger de Saint-Louis.
Il a déclaré à RFI que les élections précédentes avaient montré que “lorsque le président sortant était en lice, il était le plus souvent réélu”. Mais cette année, comme Sall ne se présente pas, les enjeux sont plus importants et les électeurs plus impliqués que jamais.
Coup final pour Karim Wade
Karim Wade, qui était ministre lorsque son père Abdoulaye Wade était au pouvoir, a été déclaré “inadmissible” en raison de sa double nationalité française et sénégalaise, selon le Conseil constitutionnel.
Il a dénoncé cette décision dimanche sur les réseaux sociaux, qualifiant la décision de “scandaleuse” et d'”attaque flagrante contre la démocratie”.
Les 25 députés du parti de Wade ont demandé une enquête parlementaire sur les circonstances dans lesquelles certains candidats ont été exclus, notamment Wade.
Selon la constitution, les candidats à la présidentielle « doivent être exclusivement de nationalité sénégalaise » et âgés de 35 à 75 ans le jour du scrutin.
Wade, né en France d'un père sénégalais et d'une mère d'origine française et vivant en exil à Doha, avait présenté des documents prouvant qu'il avait renoncé à sa nationalité française.
Mais le conseil les a rejetées, estimant que le décret confirmant sa perte de la nationalité française n'était “pas rétroactif” et que sa déclaration sur l'honneur était “inexacte” au moment de son dépôt.
Wade a même accusé la France de tenter de retarder le processus afin de ruiner sa candidature.
“Notre dossier était solide, nous avons fourni toutes les pièces demandées”, a déclaré à RFI sa représentante, Maguette Sy. “Nous ne comprenons pas pourquoi la France a attendu le 16 janvier pour prendre un décret et le publier au Journal officiel. Notre renonciation est actée depuis le 23 octobre, certifiée par le consul près de l'ambassade de France à Doha. Nous disons que c'est un stratagème. contre le candidat Karim.”
Son parti, le PDS, et sa coalition K24 n'ont pas encore choisi de remplaçant.
Déception pour Sonko
Le Conseil constitutionnel a rejeté la candidature d'Ousmane Sonko en raison de sa peine de six mois avec sursis pour diffamation, confirmée par la Cour suprême le 4 janvier.
L'opposant de 49 ans est arrivé troisième à l'élection présidentielle de 2019 et a suscité un public passionné parmi la jeunesse mécontente du Sénégal, touchant une corde sensible avec sa rhétorique panafricaniste et sa position dure à l'égard de l'ancienne puissance coloniale France.
Il est cependant au centre d’un bras de fer amer avec l’État qui dure depuis plus de deux ans, déclenchant souvent des troubles meurtriers, notamment en 2023.
Son successeur, Faye, 43 ans, est membre du parti dissous de Sonko, le PASTEF, et est également détenu mais n'a pas encore été jugé.
Il est en prison depuis avril 2023 pour « outrage à magistrat » et « diffamation envers personne morale » à la suite d'une publication sur Facebook.
Choisir un dossier de diffamation (imaginaire), entre deux acteurs politiques, pour éliminer le Président @SonkoOfficiel s'inscrit dans votre ferme volonté de tourner le dos au vaillant PEUPLE Sénégalais et l'histoire vous jugera.
L'histoire retiendra qu'en 2024, dans un pays… pic.twitter.com/3NQEhggmlG
— El Malick NDIAYE (@elmaalignjaay) 21 janvier 2024
Les observateurs gardent un oeil sur le Sénégal, qui jouit traditionnellement d'une réputation de stabilité dans une région ouest-africaine marquée par l'instabilité et les coups d'État.
La société civile et les ONG ont cependant alerté sur la répression actuelle contre la presse et une multiplication des arrestations politiques, à l'image de Human Rights Watch, qui a publié un rapport ce lundi.
(avec AFP)